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Joep Beving

peaceful piano

« On vit une époque surréaliste. »

lire l'interview du pianiste joep beving

Sur son quatrième album « Hermetism », le pianiste néerlandais Joep Beving explore le vrai sens de vie après la pandémie. « Ce qui aurait dû donner lieu à un regain d’harmonie s’est traduit par une forte polarisation. »

 

Sur Spotify, Joep Beving (46 ans) compte plus d'auditeurs mensuels que Nils Frahm. « C'est tout bonnement incroyable », constate le pianiste amstellodamois dans une interview vidéo. Ce succès, le Messie de la musique néoclassique pour piano l'attribue à la parenthèse qu’il s'est imposée il y a quelques années. Depuis quelques mois, les singles du nouvel album de Beving, « Hermetism », trônent en bonne place dans les playlists de la plate-forme de streaming. « Nils repasse devant moi dès qu’il sort un nouvel album. Et c’est tant mieux. Je l’estime trop pour supporter plus longtemps ce funeste sort. (rires) »

 

Deux de ces singles — « The Life » avec la chanteuse néerlandaise S10 et « For Mark » — sont des hommages à son agent, Mark Brounen, en phase terminale d'une maladie. « Mark va bien. C’est un euphémisme. Il est en soins palliatifs et on ignore combien de temps il lui reste à vivre. Mais il a le moral, en ce sens qu'il continue à entreprendre un tas d’activités. Cette tournée, nous la faisons ensemble. Avec un autre manager, sinon ce serait un peu trop pour lui (soupir). Il fallait encore ça. D'abord, il y a eu le coronavirus. Alors qu’on pensait en être sorti, voilà-t-il pas qu'un énergumène envahit un pays deux portes à côté de chez nous. On vit une époque surréaliste. J’ai beaucoup de mal avec ça. Et vous, vous en pensez quoi ? »

 

Philosophie

C'est ce même Mark qui, il a cinq ans, persuadait Beving de troquer son poste de stratège publicitaire pour une carrière dans la musique. L’imposant Batave (un grand barbu de plus de deux mètres de haut) travaillait pour une agence de publicité d'Amsterdam qui fournissait de la musique pour la publicité et la télévision. Jusqu'à ce qu'un burnout lui tombe dessus et qu'il redécouvre le piano de sa grand-mère, chez lui, dans sa cuisine. Spotify s’empare alors de ses morceaux zen au piano et Deutsche Grammophon, le plus prestigieux label de musique classique, lui propose un contrat.

 

« Je suis incroyablement reconnaissant que les choses se soient passées ainsi, confie-t-il. Si j'étais resté dans mon ancienne vie, je ne sais pas dans quel état je serais aujourd'hui. J'aurais préféré commencer cette aventure 13 ans plus tôt (réfléchit). Mais peut-être que c'était écrit. J'ai certainement tiré de ma première carrière des enseignements qui me sont utiles aujourd'hui. J'ai fait des études de gestion, et le cours qui me passionnait le plus dans ce cursus, c’était celui de philosophie. J'ai beaucoup appris au fil de ce parcours. »

 

Sur son piano Schimmel, le Néerlandais aime explorer les grandes questions existentielles. Le titre de son quatrième album, « Hermetism », est inspiré d'une spiritualité issue d'anciens écrits attribués à l'auteur grec Hermès Trismégiste. Le dernier album de Beving est une quête d'universalité. Il se retrouve seul au piano, après des incursions dans la musique de théâtre et de film et une collaboration sur son précédent album avec l'ensemble belge Echo Collective. Et avec des morceaux aussi romantiques et mélancoliques que le suggèrent des titres comme « Transfiguration », « Paris s'enflamme » ou « Last Dance ».

 

Le titre « Hermetism » est polysémique, explique le pianiste. Il consiste notamment à se retirer de la société pour réfléchir, se demander ce qui est vraiment important dans la vie et comment aller de l'avant. En ce qui me concerne, la réponse est décevante. Ce qui aurait dû donner lieu à un regain d’harmonie s’est traduit par une forte polarisation. »

Humeur

La pensée de Trismégiste repose sur sept lois universelles de la nature. Ces concepts (dont le principe de causalité ou notre rapport à la métaphysique) s'articulent autour de la quête d’équilibre dans l’existence. Ces thèmes émaillent les 12 morceaux de l’album « Hermetism », sans que le pianiste puisse expliquer exactement le sens de chacun d'entre eux. « Ce n'est pas comme ça que ça marche. Tous ces éléments réunis sont si forts, si indescriptibles qu'il ne m'est pas facile de les mettre en mots. J'imprime mes humeurs sur le clavier. A posteriori, je peux dire que la transposition de ces principes en musique a fait de moi une personne plus résiliente et moins angoissée. »

 

Le piano l'aide-t-il à trouver un équilibre dans sa propre vie ? (Sourire) « Oui et non. C’est galvanisant de porter sur mes épaules la responsabilité d'une salle pleine à craquer de spectateurs qui ont payé pour venir m’écouter. Mais cela reste un combat. Je suis encore rongé d'incertitudes. L'union de ces forces émerge si je parviens, sur scène, à ne plus faire qu’un avec la musique, sans avoir à faire violence à ma raison et mon intuition. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de jouer au Rudolfinum à Prague. Ça s’est exactement passé comme ça. Je suis alors en confiance et en paix. En général, j’emporte ce souvenir avec moi pendant quelques semaines (rires). »

 

Joep Beving clôturera la première soirée du Walden Festival 2023 sur la scène du musée.

note : Interview reproduite avec l'autorisation de De Tijd. Propos recueillis par Thomas Peeters, publiés dans De Tijd du 7 avril 2022.

image © Rahi Rezvani

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